Résumé éditeur :
Une usine qui ferme dans les Vosges, tout le monde s’en fout. Une centaine de types qui se retrouvent sur le carreau, chômage, RSA, le petit dernier qui n’ira pas en colo cet été, un ou deux reportages sur France 3 Lorraine Champagne-Ardenne, et basta.
Sauf que les usines sont pleines de types n’ayant plus rien à perdre. Comme ces deux qui ont la mauvaise idée de kidnapper une fille sur les trottoirs de Strasbourg pour la revendre à deux caïds qui font la pluie et le beau temps entre Épinal et Nancy.
Une fille, un Colt 45, la neige, à partir de là, tout s’enchaîne…
★★★★★ Que du bonheur !
Mon avis :
Nicolas Mathieu a suivi les plans sociaux au moment de la crise financière des subprimes en tant que rédacteur dans une agence de reporting. Si l’économie mondiale s’avère obscure pour vous, restez quand même, le roman noir » Aux animaux la guerre » ne traite l’événement que de l’intérieur, du côté des » dominés » (Annie Ernaux).
Ici, le naturalisme du XIXème siècle ( » reproduire la réalité avec une objectivité parfaite dans tous ses aspects, même les plus sordides » ) n’est pas mort, puisque nous plongeons dans une magnifique fresque sociale, au cœur de laquelle sont insérés des fragments d’analyse et de réflexion. L’auteur a fait en sorte qu’on ne lise pas seulement un récit, et fait attention à ne pas transformer, non plus, le texte en roman à thèse.
Ce livre – au-delà de sa puissance de révélation – construit avec efficacité un puzzle dramatique (n’oublions pas dans quelle collection il est publié !) nous offrant ainsi rapidement un suspense insoutenable.
J’ai découvert une plume franche et précise, loyale et fine, au service d’une tension et d’une mécanique stylistique formidables. Le fond, la forme, le rythme, tout y est. Quel bonheur !!
Misères, salaires, violences, addictions, atteintes des besoins primaires, dissolution des liens sociaux… mon cher Zola des années de lycée n’est pas loin.
Nous pensions que ce temps social était révolu ; c’était sans compter une crise mondiale, les Vosges, une usine qui va fermer, quelques filles de l’est de l’Europe, une inspectrice du travail courageuse et dépassée, un syndicaliste aux abois, des ados bien paumés, et j’en passe, et surtout, surtout, un auteur incroyable que je ne suis pas prête de lâcher.
Il y a bien longtemps que je n’avais ressenti un tel bonheur de lire un roman construit aussi intelligemment : les personnages reviennent au fur et à mesure des chapitres, nous enchaînant au récit avec une malice émotionnelle ciselée au couteau.
Nicolas Mathieu a balisé les sentiers pour que son roman noir social ne nous quitte pas.
C’est un coup de cœur absolu en ce qui me concerne.
Pour info, la série du même titre et du même auteur (en partie) ne rend pas l’atmosphère et la sensibilité (aaah !!! le pouvoir des mots face à l’image) du roman et a pris des chemins de récit bien différents.