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terre de mousson de pira sudham – Juste lire, par Agnès

terre de mousson de pira sudham

Résumé éditeur :

Largement autobiographique, ce singulier roman d’apprentissage entraîne le lecteur à la suite du jeune Prem, depuis sa petite enfance dans une région rurale très pauvre de Thaïlande jusqu’à son retour de l’étranger, quand il décidera de devenir moine bouddhiste.

Les péripéties, toujours cruelles, du déchirement entre les tensions de la modernité et les valeurs traditionnelles deviennent sous la plume de Pira Sudham une aventure intime, nimbée de poésie et de délicatesse.

★★★★☆ Lecture agréable…

Avis :

J’ai lu « Terre de mousson » de Pira Sudham avec une émotion croissante… du moins jusqu’à un certain point.

Le roman, publié aux éditions Philippe Picquier, débute magnifiquement. Il nous raconte l’histoire de Prem, un jeune Thaïlandais né dans la pauvreté la plus brute, dans la région aride de l’Isan. Enfant chétif, moqué, battu, il grandit dans une famille usée par la misère, dans un monde où tout semble peser, écraser, empêcher. Et pourtant, très vite, une lumière : celle de l’instituteur Kumjai. Ce personnage m’a profondément marquée. Il incarne tout ce qu’un adulte éclairé peut offrir à un enfant blessé : une chance, une ouverture, un sens.

J’ai littéralement dévoré les premiers chapitres. Le style, à la fois rude et poétique, épouse parfaitement le rythme de la croissance de Prem. Il y a chez lui une intelligence vive, une capacité rare à s’adapter, à observer, à comprendre – qualités qui le mèneront jusqu’au monastère, pour poursuivre ses études, auprès des moines bouddhistes. C’est là que le roman prend, à mes yeux, toute sa puissance.

À travers Prem, l’auteur interroge en profondeur les valeurs sociales, les rapports de pouvoir, la richesse véritable. Les Huit Préceptes bouddhistes, discrètement glissés à la page 78, m’ont semblé être une clef de lecture essentielle du récit.

Et puis… vient la cassure. Le dernier tiers du roman, celui qui nous fait passer à l’Occident, m’a déçue. Je comprends bien le propos de l’auteur : confronter Prem à un monde dominé par la productivité, le désir, l’individualisme. Mais j’ai trouvé cette partie beaucoup moins maîtrisée, presque déséquilibrée.

Les repères s’effacent, les situations deviennent confuses – notamment durant l’épisode en Allemagne, dont le symbolisme m’a échappé en grande partie. On sent Prem basculer dans une forme de désenchantement, puis dans le cynisme, voire le désespoir… mais ce changement est trop abrupt, pas suffisamment expliqué ni préparé.

C’est comme si la richesse narrative et psychologique des deux premiers tiers s’était évaporée. J’ai eu la sensation que Prem, si finement construit au début, devenait flou, distant, presque méconnaissable. Il parle de la « mutilation de son âme », de ce « gaspillage sordide » qu’est la vie moderne… mais j’aurais aimé comprendre davantage ce qui le pousse à un tel désarroi. L’intrigue, pourtant dense, s’essouffle, et la chute, brutale, laisse un goût d’inachevé.

C’est frustrant, car « Terre de mousson » avait tout pour devenir un roman marquant de bout en bout. Les deux premiers tiers sont puissants, sensibles, lumineux. Le dernier, hélas, manque de clarté, d’approfondissement, de souffle.

Cela n’enlève rien au talent de l’auteur ni à la portée du message – l’éloge du détachement matériel, la critique sociale, le regard bouleversant porté sur l’enfance. Mais j’aurais aimé une fin à la hauteur du début. Un peu plus de cohérence psychologique, un peu moins de flou.

Malgré cette déception, je ne regrette pas ma lecture. Elle m’a secouée, elle m’a fait réfléchir. Et c’est, au fond, ce que l’on attend d’un bon roman.

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