Résumé éditeur :
Sur sa dernière vidéo, Océane, sourit à l’objectif :
« Docteur, je veux que tu montres ce film dans tes congrès ! » La petite fille sautille sur place. Un an auparavant, elle se déplaçait en fauteuil roulant et vivait avec une sonde vésicale: elle souffre du syndrome de Cloves. Aujourd’hui, elle se rend à l’école à pied et court partout.
Mon frère, Guillaume Canaud, est néphrologue. Au sein de l’hôpital Necker-Enfants malades, en suivant une simple intuition, il a découvert le traitement contre le syndrome de Cloves, une maladie génétique rare qui provoque des excroissances sur tout le corps et entraîne souvent la mort des patients avant l’âge adulte.
En 2019, Guillaume Canaud reçoit le premier Prix du Fonds de dotation Line Renaud – Loulou Gasté qui a pour but de récompenser une avancée scientifique majeure, tous domaines confondus. Admirative des travaux du professeur, Line Renaud a tenu a rédigé la préface de ce livre : « J’ai connu le professeur Guillaume Canaud à l’occasion de la première remise du prix du Fonds de dotation Line Renaud-Loulou Gasté. Ses travaux m’ont émue et impressionnée et, depuis, je crois pouvoir dire que nous nourrissons, l’un pour l’autre, une affection toute particulière.
Mon admiration et mon respect pour les scientifiques sont sans limites. Ils sont modestes et humbles. » Extrait de la préface de Line Renaud
Ce livre est le récit de cette découverte inespérée : on y lit les doutes et les espoirs des chercheurs et des familles, les portraits bouleversants des jeunes patients et les coulisses d’une première médicale qui peut sauver la vie à des milliers d’enfants à travers le monde.
Une histoire hors norme, presque trop belle pour être vraie, et pourtant…
★★★★★ Que du bonheur !
Avis :
Avec un titre digne d’un polar, Qui a tué Cloves ? pourrait faire croire à un thriller médical. Il n’en est rien, ou presque. Le crime, ici, est bien réel : il s’agit d’un syndrome aussi rare qu’impitoyable, une anomalie génétique méconnue, dissimulée derrière trois lettres inoffensives : PIK3CA. L’auteur, Axel Sénéquier, nous embarque dans une enquête pas comme les autres : celle d’un médecin, son propre frère, qui affronte cette maladie jusqu’alors sans nom, sans remède, sans espoir.
Mais Qui a tué Cloves ? est avant tout une histoire de famille. Deux frères : l’un, médecin chercheur, passeur de vies, l’autre, écrivain, passeur d’émotions. Le premier, Guillaume Canaud, traque l’invisible à coups de microscopes et de résilience ; le second, Axel, éclaire l’invisible avec des mots justes, une plume vive, drôle, et profondément humaine. Ce livre est leur rencontre sur la page, et c’est bouleversant.
La structure du récit est d’une grande richesse : les chapitres s’enchaînent avec une belle complémentarité, entre témoignages de patients, découverte scientifique, étapes de la recherche, scènes de vie familiale. Ce va-et-vient entre le singulier et le collectif donne à l’ensemble une profondeur rare. On apprend, on ressent, on admire.
Le syndrome de Cloves est une maladie orpheline, une mutation génétique dite « en mosaïque », particulièrement agressive. Elle provoque des malformations sévères, parfois monstrueuses. Les malades souffrent dans leur chair, dans leur quotidien, dans leur regard sur eux-mêmes. Ils sont rares, souvent isolés, et encore plus souvent mal diagnostiqués. Axel Sénéquier parle ici d’« errance diagnostique » : des années de douleurs, d’analyses erronées, de fausses pistes… et enfin, en 2015, un infime espoir …. Puis une tentative de traitement.
Et quel traitement : un miracle médicamenteux, ou presque. Il s’agit de l’Alpelisib (BYL719), une molécule développée par le laboratoire Novartis, initialement utilisée contre le cancer du sein. Un repositionnement thérapeutique qui permet aujourd’hui d’inhiber le gène PIK3CA responsable du syndrome de Cloves. Un comprimé de la taille d’un Smarties, qui allège des années de souffrance.
Magique ?
Non.
Scientifique.
Et profondément humain.
Au cœur de ce récit, il y a les malades et leurs familles. Des vies de calvaire, traversées par une souffrance inouïe, mais aussi par une force insoupçonnée. Axel Sénéquier a l’art de parler de ces « enragés de la vie », comme il les appelle, avec tendresse et sans pathos. Il met en lumière le courage des patients, la niaque des médecins, l’héroïsme discret des proches, la difficulté du diagnostic, les erreurs en cascade… Il sait aussi pointer les injustices : nombre de cas sont encore sous-estimés, faute de moyens, de formation, ou de volonté.
Et bien sûr, il y a Guillaume Canaud. Un médecin d’exception, brillant, modeste, combatif. Il se définit lui-même comme un chercheur, pas un faiseur de miracles. Pourtant, ses résultats, eux, frôlent l’extraordinaire. Ce portrait d’un frère par un frère est tout sauf complaisant. Il est sincère, parfois drôle, parfois piquant, mais toujours respectueux. L’admiration affleure, oui, mais sans emphase ni grandiloquence. On sent l’amour, l’humilité, la fierté. Et l’envie, aussi, de faire connaître un homme qui n’a pas quitté le service public, la France, ni ses patients.
Le style d’Axel Sénéquier est un plaisir en soi. Il manie les métaphores avec précision (« une boule de bowling dans un jeu de quilles bien rangées »), les images sensibles (« L. s’écarte du flux pour dériver vers la voie lente »), et glisse ici et là une ironie bienvenue (« bravo ! vous attrapez la queue du Mickey et vous remportez… un trimestre de thérapie pour toute la famille »). Il sait raconter la complexité de la médecine avec une clarté pédagogique qui ferait presque aimer la génétique à un littéraire pur sucre.
Certes, certaines pages sur la ribambelle des récompenses et des distinctions pourraient lasser. Le trop-plein d’éloges, la notoriété familiale parfois pesante, la mère au fort caractère (disons-le poliment), tout cela vient un peu alourdir le récit par endroits (même si elles sont tout à fait justifiées).
Mais c’est évidemment subjectif, et cela reste un détail face à la force du propos, à la qualité de l’écriture et à la richesse de ce témoignage.
On referme ce livre bouleversée, éclairée, émue. Et rassurée. Oui, il existe encore des médecins qui écoutent, des chercheurs qui cherchent sans tricher, des familles qui tiennent bon.
Dans le même hôpital, il y a longtemps, je ne suis pas tombée sur un médecin comme ça pour mon enfant. Et ma vie en a été bouleversée.
Peut-être Qui a tué Cloves ? n’est-il pas arrivé par hasard entre mes mains. Ce vibrant hommage à la ténacité, à la science au service de l’humain, et à la puissance de l’écriture quand elle se met au service de la vie, ne pouvait que me réconcilier avec la médecine. J’en avais bien besoin.
Quand tout semble noir, ouvrez ce livre. La lumière n’est jamais très loin.