le premier homme d’albert camus

Résumé éditeur (quatrième de couverture):

« En somme, je vais parler de ceux que j’aimais« , écrit Albert Camus dans une note pour « Le premier homme ». Le projet de ce roman auquel il travaillait au moment de sa mort était ambitieux. Il avait dit un jour que les écrivains « gardent l’espoir de retrouver les secrets d’un art universel qui, à force d’humilité et de maîtrise, ressusciterait enfin les personnages dans leur chair et dans leur durée« . Il avait jeté les bases de ce qui serait le récit de l’enfance de son « premier homme« .

Cette rédaction initiale a un caractère autobiographique qui aurait sûrement disparu dans la version définitive du roman. Mais c’est justement ce côté autobiographique qui est précieux aujourd’hui.

★★★★★ Que du bonheur !

Avis :

De ce dernier roman un tiers seulement avait été rédigé, lorsqu’on l’a retrouvé dans la carcasse de la voiture qui a tué Camus quelques instants plus tôt. Certains disent que c’est « l’œuvre la plus importante de la production romanesque de l’auteur et l’un des chefs-d’œuvre de la littérature du XXe siècle ». Difficile d’en douter, j’ai été soufflée par ce magnifique texte.

Très vite des questions me sont venues à l’esprit…

A-t-il voulu écrire « Le premier homme » pour expliquer ce qu’il était, d’où il venait ?

L’a-t-il écrit pour éclairer ses écrits précédents ?

J’ai en effet pu relire d’un autre œil « L’étranger », « La peste… » juste après. Quel bonheur !

Sans aucun artifice… assurément « Le premier homme » nous révèle la personnalité d’Albert CAMUS. Comme un terrible et émouvant message d’adieu, j’ai trouvé que cette lecture se transforme rapidement en film, tant les images animées défilent sous nos yeux. Description et profondeur des émotions sont merveilleusement rendues. Puis, quand la plume de Camus s’est faite caméra, ce sont alors la force et la portée de son texte qui terminent l’explosion d’amour, de respect, de nostalgie, à l’encontre des siens.

Le roman… Août 1957. Jacques Cormery, écrivain quarantenaire se rend sur la tombe de son père mort au combat en 1914 alors qu’il n’avait qu’un an. Cette visite répond à un souhait de sa mère restée en Algérie. Il n’a pas vraiment d’attente quand à ce recueillement, mais lorsqu’il réalise que  « L’homme qui était enterré sous cette dalle et qui avait été son père était plus jeune que lui au moment de sa mort« , un déclic s’opère. Une quête démarre … connaître son histoire et celle de sa famille si secrète et si particulière.

Pour se faire, il retourne à Alger pour visiter sa mère…les souvenirs affluent, son enfance, ses années d’école, l’Algérie d’avant les conflits…

« Le premier homme« , c’est avant tout le récit de l’humilité et l’acceptation de ses contradictions, mais ce qui m’a profondément touchée c’est le levier républicain de l’école publique d’alors raconté au travers de la personnalité de son représentant, l’instituteur à la fois brute et agneau, Monsieur GERMAIN. A la fin de l’ouvrage, on trouvera le discours de Camus qu’il lui a adressé, lors de la réception de son Prix Nobel de Littérature, ainsi que la réponse de Monsieur Germain.

Au cours de la lecture, nous comprenons qu’il EST le premier homme parce qu’il est démuni économiquement parlant, solitaire, mais solidaire, et il nous raconte la terre algérienne, l’arrivée des ascendants, les Mahonnais du Sahel, les Alsaciens des Hauts Plateaux, le traumatisme de la guerre 14-18 d’un continent à l’autre, les algériens, l’ostracisme de la part des autres colons français, la pauvreté, l’illettrisme, la surdité de la mère, le pouvoir élévateur de l’école publique quand elle est engagée…

C’est une grande page d’histoire qui s’ouvre à nous. Mais c’est avant tout celui du récit d’exil familial pour le narrateur, peut-être un parallèle avec l’exil intellectuel dans lequel la gauche française tentera de le clouer.

Dans cet ouvrage « incomplet », et pourtant remarquable tant par le fond que par la forme, j’ai trouvé le texte d’autant plus fort et délectable, que la plume de Camus mélange à la fois, paradoxalement, vibrante austérité et extrême sensibilité. L’écriture est juste incroyable…

Et puis, ultime qualité, le fait qu’au-delà de son histoire familiale, Camus ait eu le courage d’offrir la parole à ceux qui n’en ont jamais eue, à ceux qui ne peuvent pas parler d’autant plus que « La mémoire des pauvres est moins nourrie que celles des riches, elle a moins de repères dans l’espace puisqu’ils quittent rarement le lieu où ils vivent, moins de repères aussi dans le temps d’une vie uniforme et grise« .

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