la carte postale de anne berest


 

 

 

 

 

 

 

Résumé éditeur :

« La carte postale est arrivée dans notre boîte aux lettres au milieu des traditionnelles cartes de vœux. Elle n’était pas signée, l’auteur avait voulu rester anonyme. Il y avait l’opéra Garnier d’un côté, et de l’autre, les prénoms des grands-parents de ma mère, de sa tante et son oncle, morts à Auschwitz en 1942. Vingt ans plus tard, j’ai décidé de savoir qui nous avait envoyé cette carte postale, en explorant toutes les hypothèses qui s’ouvraient à moi.
Ce livre m’a menée cent ans en arrière. J’ai retracé le destin romanesque des Rabinovitch, leur fuite de Russie, leur voyage en Lettonie puis en Palestine. Et enfin, leur arrivée à Paris, avec la guerre et son désastre.
J’ai essayé de comprendre pourquoi ma grand-mère Myriam fut la seule qui échappa à la déportation. Et d’éclaircir les mystères qui entouraient ses deux mariages.
Le roman de mes ancêtres est aussi une quête initiatique sur la signification du mot “Juif” dans une vie laïque. »

★★★★☆ : Lecture agréable, fort plaisante.

Avis :

Je pense qu’il n’y aura jamais assez de témoignages sur le plus grand génocide européen que fût la Shoah.

La langue écrite, aussi imparfaite soit-elle pour rendre palpables ces drames humains, reste quand même  l’arme (larme)  par excellence.

Certains diront que cela suffit…que personne ne peut remplacer Primo Levi, qu’il faut passer à autre chose, que tout a déjà été écrit…
J’ai entendu ce type de propos affligeants jusque dans ma propre famille, lorsque j’étais enfant. Dans la bouche de parents, pourtant des gens  » bien « .

Ainsi donc, ce que décrit Anne Berest, les réactions de quelques français moyens face au vécu des juifs après les déportations, sur leur place aujourd’hui dans notre société, ces propos rapportés dans la seconde partie de LA CARTE POSTALE … je les ai  reconnus, ces commentaires issus du syndrome de la victime coupable.

Alors oui, la carte postale est un livre de plus sur l’extermination des juifs européens, réfugiés en France, se pensant protégés par les valeurs de la République française issues de la Révolution.

Oui, on a déjà maintes fois entendu le déroulé des événements dramatiques qui anéantiront, dans la pire des violences, des êtres humains sans défense et des familles entières, laissant les survivants hagards et révoltés.

Oui, le roman biographique d’Anne Berest n’est pas de la meilleure plume qui soit, certaines répétitions sont insupportables (l’addiction tabagique de la mère) et autres passages franchement lourds (le choix du prénom d’un bébé en hommage aux disparus), etc…

MAIS si je prends le temps de rédiger un avis, malgré les 599  précédemment publiés, alors que je suis sur l’île de Skye réfugiée climatique en roue libre pour quelques semaines, c’est qu’il me semble que son texte le vaut vraiment. Pour le fond plus que la forme.

D’abord, il m’a scotchée, et ce ressenti fait toujours un bien fou à la lectrice addictive que je suis. Ne plus pouvoir lâcher sa liseuse (voyage oblige) avec la volonté (puérile) farouche de trouver avant l’auteure (!) le mystérieux expéditeur de la carte postale… C’est incroyable.

Deuxièmement, j’ai été profondément émue, parce que je leur ai tous donnés la main, aux disparus, aux descendants de la survivante, aux  » palestiniens d’origine russe sans nationalité  » (ainsi nommés par l’état français en 39), aux juifs actuels de France et d’ailleurs qui voient les actes innommables revenir, aux juifs croyants et non-croyants, aux juifs pratiquants, laïcs, communistes … à tous, ces descendants d’Abraham pourchassés depuis plus de 2000 ans.

– Que signifie être juif aujourd’hui ? se demande l’auteure à chaque page.
Le style d’Anne Berest est alors suffisamment fluide, franc, efficace pour atteindre son but, sans nous noyer sous des simagrées stylistiques qui n’auraient pas eu leur place dans de telles circonstances.

Parce qu’elle se fait aussi souvent plus biographe qu’écrivaine, ce livre m’a emportée vers un ailleurs, pourtant bien réel et terrifiant. Moins loin de nous qu’il n’y paraît. Il a été récompensé par des prix littéraires, et c’est mérité.

Sous les mots pudiques, qui s’en tiennent souvent aux faits, j’ai « touché » un nombre important de personnages. Des réfugiés plein d’espoir, des justes, des réfractaires au STO, des enfants de bourgeois mi bohèmes mi artistes, des instituteurs, des veuves de guerre… ceux qui participeront à l’armée de l’ombre.

Un dernier argument en faveur de ce travail de reconstitution historique parfaitement mené; force est de reconnaitre que ce texte nous instruit encore et encore, en mêlant petite et grande histoires. Les décrets, les ordonnances, les lois… presque au jour le jour, Anne Berest éclaire ses lecteurs sur l’insupportable machine de destruction gouvernementale que fut le gouvernement de Vichy et ses fonctionnaires.
Le travail formidable de reconstitution de la mère d’A.B. trouve aussi là son apogée.

Pour Ephraïm, Emma, Noémie, Jacques et tous les autres qui ne trouveront jamais de repos et qu’on assassinera sans relâche pour le simple fait qu’il fallait punir un peuple. Pour les zones d’indifférence voire de rejet qui perdurent chez nous.
Ce livre se devait d’être écrit.
Et je suis fière de l’avoir lu.

 

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