Résumé éditeur
Charlie est un petit garçon qui vit avec son papa et sa maman, mais aussi avec ses quatre grands-parents. Tout ce monde est entassé dans deux pièces seulement car la famille de Charlie est très pauvre. Lorsque son papa perd son travail, la situation devient dramatique, ils meurent presque de faim.
Mais dans la ville où ils demeurent, il y a une mystérieuse chocolaterie : nul n’y entre ni n’en sort jamais. Son propriétaire, Mr Wonka, lance un grand concours : les cinq gagnants pourront visiter l’usine et gagner des sucreries pour toute leur vie.
Mais les enfants mal élevés doivent se méfier : ils seront punis par où ils auront péché. C’est à une merveilleuse exploration que nous convie Roald Dahl, à l’intérieur d’une usine fabuleuse qui recèle absolument tout ce dont n’importe quel gourmand peut rêver et aussi d’autres choses qu’il n’aurait pas osé imaginer : des machines qui fabriquent des bonbons inusables ou des chewing-gums-repas, des cascades de chocolat, des caramels qui font pousser les cheveux…
★★★★★ Que du bonheur !
Critique
J’aime bien faire les choses à l’envers, remonter aux sources.
Ainsi, après avoir lu Charlie et le grand ascenseur de verre, j’ai remonté le temps littéraire pour visiter la fabuleuse chocolaterie du » chocolatier le plus fascinant, le plus fantastique, le plus extraordinaire qu’on ait jamais vu, le magicien du chocolat « , Monsieur Willy Wonka.
Voici une lecture délicate, car après avoir vu au moins 10 fois l’adaptation cinématographique de Tim Burton, n’ allais-je pas être blasée ? C’était sans compter sur les illustrations de Quentin Blake ( l’illustrateur fétiche de Roald Dahl ) dont les images donnent encore plus envie de se plonger dans l’écrit, car elles y ajoutent des ingrédients superplaisantissimes.
Et puis Willy Wonka, créature sautillante féerique, incarne réellement l’esprit de malice qui permettra à son auteur de décrire pourtant une sévère critique de la société de consommation, sorte d’invitation à l’humilité adressée aux enfants. Pour commencer, la leçon de dégustation de chocolat noir pour cet enfant privé de tout (sauf d’amour) en est un beau tableau :
Jugez plutôt. .. c’est long, mais c’est unique…
» Une fois par an seulement, le jour de son anniversaire, Charlie Buck avait droit à un peu de chocolat. Toute la famille faisait des économies en prévision de cette fête exceptionnelle et, le grand jour arrivé, Charlie se voyait offrir une petite tablette de chocolat, pour lui tout seul. Et chaque fois, en ce merveilleux matin d’anniversaire, il plaçait la tablette avec soin dans une petite caisse de bois pour la conserver précieusement comme un lingot d’or massif : puis, pendant quelques jours, il se contentait de la regarder sans même oser y toucher. Enfin, quand il n’en pouvait plus, il retirait un tout petit bout de papier, dans le coin, découvrant un tout petit bout de chocolat, et puis il prenait ce petit bout, juste de quoi grignoter, pour le laisser fondre doucement sur sa langue. le lendemain, il croquait un autre bout, et ainsi de suite, et ainsi de suite. C’est comme ça que Charlie faisait durer plus d’un mois le précieux cadeau d’anniversaire qu’était cette tablette de chocolat à deux sous. »
Ce texte publié au milieu des années soixante n’a pas pris une ride, car il pointe du bout de son stylo d’auteur quelques-uns des travers de notre société : surabondance, obsession de la performance, brutalité, addiction aux écrans, et j’en passe.
Mais c’est aussi la dénonciation de nos solitudes modernes, car les grands- parents de Charlie, même démunis de tout, ne sont jamais seuls, et ils évoluent sans plainte, ni rancœur aucune. Ce qui fait tenir ce petit groupe humain désœuvré n’ est – ce pas aussi la possibilité offerte à cet enfant d’être gavé d’histoires que ces quatre vieillards lui content chaque soir ? Malgré le froid, malgré la faim.
Qu’est ce qui fait grandir les enfants ? Ce livre y répond grandement.
Cet incontournable de la littérature de jeunesse, véritable page-turner du siècle dernier contient aussi une part de mystère avec l’inquiétante usine dont personne n’est jusque là ressorti, et évidemment une grande part d’aventure, car qu’est – ce d’autre au final que cette visite au pays de Willy Wonka sinon une expédition extraordinaire dans un univers inquiétant et envoûtant ? Et que penser de ce chef d’entreprise décalé, hystérique et déroutant, parfois même fort ambigu ?
Mais, ce que contiennent avant tout les écrits de Dahl, et c’est là que réside le génie de cet auteur, c’est surtout du respect, de l’obéissance aux vieilles générations, dans ce monde fabuleux où même les pauvres aiment et respectent les riches.
Dans un vrai sens du dialogue, ce livre magique et moral sent donc bon le chocolat chaud.
Livre magique, car l’imagination de Dahl est sans limite, et sans garde fou (vous êtes prévenu. Si votre imagination est trop sage, confinée, passez votre chemin, ce livre, et cet auteur ne sont pas pour vous).
Livre moral, car chez lui, une simple journée peut vite tourner au cauchemar si vous êtes obsédé par la nourriture, vantard et compétitif, capricieux, ou paresseux.
Ce qui est le cas de presque tous les enfants invités, devenus tous monstrueusement désagréables par l’unique faute de leurs parents. Ces enfants sont la représentation d’un vice, avec tous les excès que ce conte engendre chez ces jeunes personnages.
Avec quelques leçons d’éducation au passage : » elle mérite une bonne fessée, c’est toujours dangereux de trop gâter les
enfants « . Et hop, ça c’est dit !
Et puis, il y a LA LANGUE de Dahl si particulière puisqu’elle crée une sorte de musicalité, avec des jeux de rythmes et de sonorités magnifiquement traduits de l’anglais. Son lexique totalement inventé parfois, son vocabulaire empreint d’humour et de poésie, la spontanéité des dialogues font de son écriture comme un univers unique dans lequel plonger est aisé à tout âge.
Pour résumer, qu’est-ce qu’un livre génial ? C’est un livre qui nous fait réfléchir de 5 à 102 ans en nous donnant l’impression que nous sommes simplement en train de nous divertir, et de rire. Charlie et la chocolaterie, est donc tout ça et bien plus encore.
Roald Dahl était décidément un grand écrivain intelligent, drôle, qui donne la pêche.
Avec ou sans carré de chocolat.