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Nos années sauvages de Karen Joy FOWLER – Juste lire, par Agnès

Nos années sauvages de Karen Joy FOWLER

Résumé éditeur

Il était une fois deux sœurs, un frère et leurs parents qui vivaient heureux tous ensemble. Rosemary était une petite fille très bavarde, si bavarde que ses parents lui disaient de commencer au milieu lorsqu’elle racontait une histoire. Puis sa sœur disparut. Et son frère partit. Alors, elle cessa de parler… jusqu’à aujourd’hui. C’est l’histoire de cette famille hors normes que Rosemary va vous conter, et en particulier celle de Fern, sa sœur pas tout à fait comme nous.

★★★★★ Que du bonheur !

Critique

Voilà un roman surprenant.
Imaginez une jeune héroïne dont on ne connaît pas les caractéristiques physiques, dont on ne découvre (petitement) qu’aux environs de la page 100 la véritable raison de son mal être, et qui nous balade, malgré ce manque de données, de repères, allègrement entre les années 90 et aujourd’hui avec une adorable insolence et une agilité littéraire étonnante.
Première information : le titre original en anglais de ce livre se traduit par … « Nous sommes complètement à côté de nous-mêmes ».
Les pistes se brouillent.
Deuxième information : l’essence même de ce roman s’appuie sur des faits véridiques et traite d’une question cruelle très actuelle à propos de laquelle, heureusement, pas mal d’Homo sapiens sapiens se réveillent et agissent.
Vous êtes encore plus embrouillés, et c’est normal. C’est un peu ce que j’ai vécu pendant la période de latence des premiers chapitres de ce drôle de roman. Ceci a constitué, selon moi, comme une sorte de jachère (familiale ! ) qui désorganise nos habitudes de lecteur, et nous prouve que la persévérance est mère de nombreuses satisfactions.
Le livre « débute au milieu de son histoire » en 1996, et livre un état des lieux sur la vie estudiantine dans les années 90 aux Etats-Unis.
Nos années sauvages trace l’histoire des Cooke. Une famille américaine de prime abord plutôt classique : un père psychologue, une mère attentionnée, un grand frère protecteur et deux sœurs, Rosemary et Fern qui se chamaillent mais vivent de façon fusionnelle. Sauf qu’une quinzaine d’années plus tard, quand l’héroïne commence son récit, le cocon familial a littéralement explosé puisque son frère Lowell est recherché et Fern a disparu, laissant le reste de la famille enfermé dans un immense mutisme et des douleurs vives.
Que s’est-il donc passé ?
Quand LA REVELATION arrive, elle nous saute à la figure.
Impensable.
A des années lumières de nos représentations de la structure familiale classique. Et on a, à ce moment-là, deux envies qui se font face : tout relire depuis le début, ou bien, dévorer la suite. J’ai opté pour la deuxième solution, puis j’ai relu le début.
Vous l’avez compris : ce livre m’a enchantée.
Tout son art a été de se saisir d’une situation ayant réellement existé pour nous plonger dans les bouleversements psychologiques, affectifs, sociaux…. – et j’en passe – qu’elle a induits directement et indirectement. C’est le roman de la perte physique, psychique, de la culpabilité, de la mémoire….
Et bien plus encore.
Que faire, quand la famille devient le siège d’un sentiment de confusion, d’insécurité, et de trahison ?
L’héroïne réagit en adaptant son flux verbal à ses états d’âme : son rapport au langage devient dichotomique, mais peut-on exister sans l’exutoire des mots ? Quelles traces l’éducation Et le vécu ont-ils laissé sur la langue, sur le corps physique ? Sur le reste ?
Grâce à une prodigieuse mémoire et à une capacité d’analyse impressionnante , voici donc, à travers le récit enjoué, drôle parfois, mais aussi très intimiste tracé à la première personne par Rosemary Cooke, vingt-deux ans, le portrait d’une famille américaine qui aura été hors norme – pendant quelques années – et qui n’a pas mesuré l’impact de certaines fractures sur des enfants en devenir.
Bizarre pour un père chercheur en psychologie. Ou pas si étonnant que ça, quand le travail prime sur le reste.
Ce livre nous amène à réfléchir sur ce qui fait notre humanité, sur les rapports de pouvoir de l’Homme sur les « autres ». C’est le roman de la différence (mais pas celle que vous croyez).

Entre nostalgie et colères, ente souvenirs joyeux et peines indéfectibles, entre rumination et force combative, c’est le portrait d’une jeune femme brillante mais brisée, sans pathos aucun, qui nous montre les visages de la bêtise humaine face à l’Autre.
Le récit non linéaire fait des aller et retours entre le passé et le présent. Il faut suivre, mais ça se tient bien, très bien même puisque ça change de nos habitudes, ça nous bouscule juste ce qu’il faut, ça nous réveille grâce à une écriture à la fois dense, dynamique et fouillée.
J’ai beaucoup aimé ce style moderne bien travaillé.
Ce livre a changé mon regard sur le monde (si, si, si), car, entre « pétages » de plomb et réflexions scientifiques de l’étudiante Rosemary Cooke, la construction de l’intrigue en forme de puzzle m’a bouleversée et m’interroge profondément sur les enjeux d’une fraternité moderne.

 

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