Résumé éditeur
Anny Duperey a huit ans lorsque ses parents disparaissent dans un tragique accident domestique. Des années durant, elle tire « un voile noir » sur son passé et abandonne dans un coin sombre, sans même les regarder, les photos laissées par son père, le photographe Lucien Legras.
Ce n’est que trente-cinq ans plus tard qu’elle les exhume enfin de leur « tiroir-sarcophage », et pose sur ce drame intime des mots d’une justesse bouleversante.
★★★★☆ Lecture agréable, fort plaisante
Critique
» Le voile noi r » est un livre que j’ai hésité à lire pendant de nombreuses années.
Ce que j’en imaginais me faisait peur, me glaçait même : le deuil (vrai) d’une enfant dans un accident stupide et des photos en noir et blanc d’une époque que je n’ai pas connue.
Et puis, au détour d’un rayon chez un bouquiniste, le livre était là qui me tentait, presque majestueux avec sa belle photographie en couverture, alors je me suis dit (comme souvent d’ailleurs) : « oh à ce prix-là. .. je ne risque pas grand chose, au pire, ce sera un album de photos noir et blanc. »
Et le livre a patienté, des mois, quelques années. Langoureusement.
Et un matin, la mort est venue faire un tour par chez moi. Une mort violente, inattendue, très douloureuse.
Heureusement, le livre attendait sur l’étagère. Ce fut réellement le seul pour lequel j’ai eu la force de tendre la main.
Mes yeux n’acceptaient de se poser sur aucun autre ! Sans lui, mes yeux auraient-ils pu relire ?
Alors, je me suis plongée dans Le voile noir, mots, photos…. j’ai tout pris, tout respiré.
Dans ce livre, les souvenirs d’Annie Duperey (l’actrice ) vont être ravivés grâce aux photos de son père, le photographe Lucien Legras. Photos conservées pendant des années dans le fameux » tiroir sarcophage » sans être jamais regardées, ni par elle, ni par sa soeur. Trop de chagrin, trop de colère et cette terrible peur de la douleur réveillée…
et Annie D.qui se dit : « Plus tard, il sera toujours temps « .
Mais le temps ne se rattrape pas.
Un jour, elle se donne les moyens d’aller plus loin, et découvre par là-même que le photographe a un réel talent : les angles de prise de vue, les jeux d’ombres et de lumière, les reflets dans l’eau, la douceur des portraits, la vivacité des ambiances… tout cela donne des photos à la fois touchantes et troublantes.
C’est donc à partir de ces images issues d’un passé ressurgi que l’écriture va prendre forme pour Annie, va devenir le levier nécessaire à ce voyage intimiste.
Démarche qui ne peut être facile quand les émotions, les douleurs se bousculent et nous éclaboussent au détour d’une image, d’un objet photographié en blanc gris et noir.
Quand deuil rime avec souvenirs. Quand la mort a tout transformé.
Dans le voile noir, son auteur nous dévoile (et se dévoile à elle – même ) le chemin qui a été le sien dans la douleur du deuil. Cette histoire lourde d’une enfant qui perd ses parents à l’âge de 8 ans, et qui, depuis ce jour, a devant les yeux Un voile noir opaque anesthésiant.
Comment vivre avec un trou de dix ans dans la mémoire.
Avec des mots justes, sans pathos, l’auteur se raconte, nous confie, sans rien occulter, toutes ses années séparées d’eux.
Partie au départ pour écrire en marge des photos de son père, jamais regardées auparavant, Annie D. nous ouvre son coeur sans pudeur, et nous offre l’histoire de sa famille, ou du moins ce qu’elle en saisit.
Ce livre, au fil des pages, passionne, happe, bouleverse, choque parfois, réveille à la réalité des choses.
On ne peut plus s’en détacher, on boit les mots, on tourne les pages avec lenteur, pour les quitter, tous, le plus tard possible.
Et les mots d’Annie opèrent leur lent mais certain changement, en nous.
Quand le livre se referme, c’est sur un étrange ressenti de calme et de sérénité.
Famille, amour, mort… tout devient plus clair.
C’est donc, pour moi, un livre fascinant si on veut bien prendre la main d’une petite fille de 8 ans qui nous emportera avec toutes les questions qu’elle a remuées en nous : « Une famille, c’est quoi ? Comment composer avec la nostalgie ? Pourquoi la douleur anesthésie-t-elle tout sur son passage ? Pourquoi inévitablement la culpabilité avec le deuil ? En quoi l’art est-il réparateur ? Etc… »
Ce récit est dur comme la mort et doux comme la vie.
Quand les mots sont bien choisis, alors, la vie peut reprendre son cours.
(La suite de ce livre est Je vous écris.)