Une nuit à Aden d Emad JARAR

Résumé éditeur

Essai autant que roman, ce livre permet à la fois de mieux comprendre le rôle de l’Islam et de juger de sa place dans notre civilisation contemporaine. À travers le récit d’un jeune musulman sunnite, il nous fait découvrir le Coran et nous aide à évaluer son influence dans la société actuelle.
Ce roman, en deux tomes, à l’intrigue palpitante d’émotion, raconte la jeunesse d’un Palestinien qu’un destin étonnant et une histoire d’amour hors norme conduisent à la découverte de lui-même, de sa conscience, et de sa relation avec les religions de son enfance, l’islam et le christianisme. Par une introspection à la fois insolite et spirituelle, il nous décrit comment les élans de la divine Providence le mèneront d’Alexandrie à New York, puis Sanaa, Aden, Djibouti, et enfin, Paris. Il est né musulman, certes ; mais sa raison défie cette réalité et son cœur refuse de le suivre. Il réalise peu à peu que cette religion à laquelle il se croyait enchaîné, occulte en fait la vraie nature de ce rite à l’emprise implacable sur un milliard et demi de fidèles…
Un récit captivant. Une réflexion morale et spirituelle sans concession.

★★★☆☆ J’ai un peu aimé.

Critique

Prenez un auteur Emad Jarar nouvellement arrivé au pays des écrivains. Prenez un personnage principal qui s’exprime à la première personne et qui se nomme lui aussi Emad. Dès la première ligne, Emad (l’auteur) nous avise qu’il jettera « un œil critique sur le Coran et la Sunna » et qu’on lui reprochera probablement  » d’avoir recours à des études d’auteurs non- musulmans ». Crainte. Courage. Où ai-je mis les pieds ?

Des extraits du Coran illustrent les propos de l’homme tout au long de son livre qui débute ainsi : à Moscou une discussion entre deux jeunes palestiniens exilés à Manhattan revient à la mémoire de l’un d’eux (Emad, forcément). Elle a duré huit ans et portait sur la question de savoir si l’on peut exister sans la parole divine et si l’homme peut posséder un quelconque sens moral sans avoir recours au Coran ?
Les questions existentielles d’Emad sont les suivantes :
– La réflexion morale et spirituelle d’un croyant peut-elle exister de manière individuelle ?
– Pourquoi faut-il toujours la reléguer à un simple exercice collectif ?

C’est par le biais de cet « essai fictionnel » qu’une sérieuse (et périlleuse) grande mise au point est réalisée, en ce 21e siècle en ce qui concerne « ce culte dont l’ostracisme et la rigidité transforment ces fidèles en fervent sectateur, et de ses adeptes enfants de simple spectateur à défaut de les laisser être les acteurs de leur propre vie » (page 15).
J’ai été stupéfaite de lire un écrit de ce genre, comprenant mieux sa faisabilité, quand Emad dit, que « loin de leur patrie dans une ville où les religions en l’absence de rites quotidiens rendent moins aliénante la vie d’un musulman » de telles analyses peuvent être menées.
Un retour aux sources jusqu’au 12e siècle en Islam par la bouche de son meilleur ami Khalil nous éclaire sur les fondements et les débuts de cette religion dans un temps où la démarche spirituelle du croyant était alors plus individuelle et se cantonnait davantage à la sphère privée. Où l’on découvre aussi l’arabité de la religion musulmane, mainmise des Arabes sur leur texte sacré. Entre choix de langue et pouvoir géopolitique, on revient toujours au même quand il s’agit des Hommes : pouvoir, violences, arbitraire.
Emad nous raconte cet « arbitraire féroce » vécu depuis 8 siècles qu’il juge « illogique » et qui selon lui « a entraîné l’islam dans un monde d’intransigeance ».
Description fine et argumentée d’une « orthodoxie de masse, coercitive, intransigeante, réfractaire à l’individu et à la grandeur de son existence propre et indépendante ».

Le personnage principal apatride, et issu de deux cultures religieuses différentes, a décidé de trouver intellectuellement le ressort nécessaire pour tracer sa route comme il l’entend, et prendre en main son avenir malgré cette difficile double appartenance.
A la fois français grec palestinien et arabe, avec un père musulman et une mère chrétienne, il est moins arrimé à la terre de ses ancêtres que les générations précédentes et il a développé un intérêt certain pour mieux comprendre les enjeux politiques : « Je suis un musulman avec les yeux d’un chrétien à défaut d’en avoir le supplément d’âme ». C’est à un islam tolérant qu’il souhaite être rattaché, c’est un louable crédo.
Chaque pays, lieu d’une escale pour le personnage principal a droit à sa petite analyse historique et géopolitique, ce qui fait de cet ouvrage plus qu’un roman, plus qu’un essai, une carte historico-spirituelle-géopolitique du monde.
Emad se veut  » un Arabe, mais aussi un homme libre » capable de voir au-delà des textes sacrés.
J’ai trouvé ce texte foisonnant d’érudition et étayé par une écriture romanesque accessible. Ce qu’il nomme la  » logosphère islamique  » ou encore le « ghetto arabo islamique » (en annexe) est vilipendé dans ce texte parfois sarcastique, auquel je ferai tout de même un reproche : sa trop forte densité textuelle. Les répétitions (idées) sont importantes faisant souvent de la narration quelque chose d’un peu fastidieux, ennuyant à certains moments. Une synthèse, voire une réduction littéraire aurait grandement permis à Une nuit à Aden de gagner en lisibilité. C’est vraiment dommage.
Si l’on a beaucoup de temps, et de patience, on ne peut que reconnaître et apprécier qu’Une nuit à Aden fut rédigé « au nom de la culture générale et de la tolérance ». Sorte de recontextualisation historique de toutes les religions et des peuples, il est donc une gifle littéraire bien nécessaire par les temps funestes qui courent. Cette courageuse autocritique romancée pourra éviter les discussions à l’emporte-pièce sur ce sujet, car les nombreux éclaircissements qu’il nous offre permettent de mieux expliquer le monde oriental d’aujourd’hui ; ses conséquences et sa relation avec les autres civilisations. Merci à Babelio et à l’auteur pour cette découverte que je m’en vais faire suivre de la lecture du tome 2, en espérant y retrouver les qualités du premier tome, sans les écueils.

 

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