Résumé éditeur
Soit un groupe d’enfants, de six à treize ans, que l’on isole sur une île déserte. Qu’advient-il d’eux après quelques mois? William Golding tente l’expérience. Après les excitantes excursions et parties de baignade, il faut s’organiser pour survivre. C’est au moins la réflexion de Ralph, celui qui fut élu chef au temps heureux des commencements, et du fidèle Piggy. Mais c’est ce que refusent de comprendre Jack, le second aspirant au « trône », et les siens. Cette première division clanique n’est pas loin de reproduire un schéma social ancestral. S’ensuivent des comportements qui boudent peu à peu la civilisation et à travers lesquels les rituels immémoriaux le disputent à une sauvagerie d’une violence sans limite.
★★★★★ Que du bonheur !
Critique
Sa majesté des mouches (1954), roman de littérature de jeunesse, roman d’aventure, roman tout court selon moi, a été écrit par William GOLDING, auteur britannique né en 1911 en Cornouailles.
Après un accident d’avion, un groupe d’enfants et d’adolescents anglais (pas de filles dans les classes à l’époque) se retrouve seul, sans adultes sur une île déserte. Ils semblent d’abord ravis de leur sort : c’est l’occasion pour eux de vivre sans règles à respecter et de profiter d’une liberté inespérée dont ils n’ont pas l’habitude. Rapidement le groupe s’organise selon un schéma démocratique : ils élisent un chef, Ralph, et décident du rôle de chacun. Des meetings sont mis en place, essais de moments de parole privilégiés.
Différents incidents et la vie qui s’annonce plus rude qu’ils ne le pensaient au départ vont progressivement faire basculer le groupe dans la sauvagerie et la tyrannie, symbolisé par un autre personnage-phare, Jack. La chasse au cochon sauvage révèle très vite chez les jeunes des pulsions primitives, puis, la découverte d’un monstre ( ?) sème la terreur sur l’île, terreur alimentée par Jack et ses partisans. Pour quelle raison ? de fil en aiguille, la violence s’installe et des crimes humains se perpétuent ainsi qu’une véritable chasse à l’homme.
Ce roman, qui était autrefois étudié (à juste raison) dans le cadre scolaire nous permet de s’interroger sur les questions fondamentales de la relation de l’individu au groupe et en groupe. Il aborde aussi la question du statut des minorités et pose les démocraties modernes comme des espaces d’argumentation et de dialogue. Mais, sa lecture permet d’aborder de nombreux autres thèmes sur la société :
Pourquoi les lois existent-elles ?
Qu’est-ce que la civilisation ?
Quelles sont les qualités d’un bon chef ?
Comment la violence arrive-t-elle ?
Où commence et où s’arrête la manipulation ?
Que faut-il pour être heureux ?
Est-on soit bon soit méchant ? (cruauté envers « Porcinet »).
Très vite, en parallèle aux questions posées, l’intensité de certains passages apparente le livre à un thriller.
Le vocabulaire du roman est très riche, les descriptions très étoffées, détaillées (il y a beaucoup de paysages). Et même si les lieux et les personnages peuvent nous paraître un peu stéréotypés, l’ensemble fonctionne très bien :
– La plage, petit monde civilisé, y est un espace accueillant chaleureux et bienveillant,
– quand les premiers rochers correspondent à un espace de transition entre la plage et la montagne, c’est un espace dans lequel un changement des perceptions de l’environnement s’opère. Un lieu où se révèle l’existence de mystères, lieu de la violence et de la mort (résidence des chasseurs, l’endroit où ont lieu les meurtres, lieu de chasse, lieu où vit la Bête…).
– Enfin, la montagne et la jungle sont LE monde hostile, un monde de dangers pour les humains. C’est là que se tapit la « bête », le monstre. C’est aussi là que les enfants chassent le cochon puis l’homme.
Ralph, Piggy, Jack représentent chacun des archétypes du chef ou de la démocratie, de la sagesse, de la tyrannie, de la vérité ou de la connaissance…et c’est sur ce point que ce formidable roman nous touche tous. Les métaphores étant trop belles pour y résister.
Sa majesté des mouches, ce n’est pas un roman d’aventure, ou pas que ça ! C’est aussi la dénonciation des dérives du pouvoir dans la société, de la cruauté gratuite de l’être humain (même/surtout les enfants ! ) pour son « frère »…
Attention, le livre, court mais intense, avec ses pages qui ne se tournent pas assez vite, finit même par devenir obsédant.
« Le salut de l’humanité réside en chacun de nous, non pas dans un système, une croyance, ou à l’intérieur d’une frontière donnée. L’ennemi n’est pas au-dehors, mais en dedans. » Vous êtes prévenu (e) !
Pour info, adaptation filmique : Sa Majesté des Mouches. Peter Brook 1963