Résumé éditeur
Un voyage époustouflant dans trois siècles d’histoire du peuple africain.
Maama, esclave Ashanti, s’enfuit de la maison de ses maîtres Fantis durant un incendie, laissant derrière elle son bébé, Effia. Plus tard, elle épouse un Ashanti, et donne naissance à une autre fille, Esi. Ainsi commence l’histoire de ces deux demi-sœurs, Effia et Esi, nées dans deux villages du Ghana à l’époque du commerce triangulaire au XVIIIe siècle. Effia épouse un Anglais et mène une existence confortable dans le fort de Cape Coast, sans savoir que Esi, qu’elle n’a jamais connue, est emprisonnée dans les cachots du fort, vendue avec des centaines d’autres victimes d’un commerce d’esclaves florissant avant d’être expédiée en Amérique où ses enfants et petits-enfants seront eux aussi esclaves. Grâce à un collier transmis de génération en génération, l’histoire se tisse d’un chapitre à l’autre : un fil suit les descendants d’Efia au Ghana à travers les siècles, l’autre suit Esi et ses enfants en Amérique.
En Afrique comme en Amérique, No Home saisit et traduit, avec une étonnante immédiateté, combien la mémoire de la captivité est restée inscrite dans l’âme d’une nation. Navigant avec talent entre histoire et fiction, nuit et lumière, avec une plume qui varie d’un continent à l’autre, d’une société à une autre, d’une génération à la suivante, Yaa Gyasi écrit le destin de l’individu pris dans les mouvements destructeurs du temps, offrant une galerie de personnages aux fortes personnalités dont les vies ont été façonnées par la loi du destin.
★★★★★ Que du bonheur !
Critique
Il y a les bons, il y a les beaux, et il y a les GRANDS romans. Chaque année, les romans qui me bouleversent dès les premières pages sont à compter sur les doigts d’une seule main. No home est de ceux qui ont en eux la force de changer le regard sur la complexité de notre terrible monde. Ce premier roman de Yaa Gyasi appartient à cette catégorie, j’en suis convaincue. Le succès et les louanges rencontrés lors de sa sortie l’ont confirmé.
C’est une magistrale gifle que j’ai prise en lisant cette fresque afro américaine d’une ampleur incroyable.
Tout d’abord, il y a le charme fou de l’écriture limpide et resserrée pour un roman de survie porté par des personnages complexes et qui se lit pourtant avec beaucoup de facilité. La langue y est ciselée, directe, simple. Je l’ai adorée.
Il raconte l’histoire de deux sœurs africaines à la destinée bouleversante qui étale devant nos yeux incrédules trois siècles d’histoire terrifiante entre Afrique noire et Amérique du Nord.
Du 18e siècle à nos jours en marchant sur les traces des descendants d’Effia et d’Esi du Ghana aux États-Unis, jamais je n’ai rencontré le moindre ennui ou la plus petite lassitude au cours des pages.
Époustouflant par sa forme, formidable pour ses effets sur la lectrice que je suis, No home retrace les stigmates de l’esclavage sur huit générations d’une famille noire à travers deux lignées séparées, l’une restée en Afrique, l’autre déportée aux États-Unis.
La même question revenant toujours dans tous les peuples sur tous les continents » Il y a plus en jeu que l’esclavage, mon frère. C’est à qui possèdera la terre, les gens, le pouvoir. Tu ne peux pas planter un couteau dans une chèvre et dire ensuite « maintenant je vais ôter mon couteau lentement, et il faut que les choses se passent facilement et proprement, qu’il n’y ait pas de dégâts. ». Il y aura toujours du sang. »
C’est une traversée terrible de 250 ans d’histoire raciales, de 1770 à nos jours, dans une grande saga qui pointe pour chaque génération la manière dont la violence et les pressions se régénèrent et instillent la colère et l’incompréhension au creux de chacun. C’est tout un continent qui crie sa rage contre l’occupant blanc et ses manipulations sur certains noirs.
» Le problème de l’histoire c’est que nous ne pouvons pas connaître ce que nous n’avons ni vu ni entendu ni expérimenté par nous-mêmes. Nous sommes obligés de nous en remettre à la parole des autres. »
Puisse toujours la littérature nous permettre d’ouvrir nos yeux ainsi.
L’auteur évoque, personnage par personnage, chapitre par chapitre, tantôt la vie côté africain, enfants et descendants feront face aux guerres tribales, contre les Anglais, puis la colonisation et ses retombées. Côté américain, enfants et descendants endureront esclavage, travail forcé, ségrégation raciale, incarcération abusive violence policière, drogue.
J’ai parfois dû poser le livre, quelques heures tant j’étais sonnée par la force des mots, par les faits évoqués.
Et « Effia comprenait alors que la nouvelle placidité de sa mère n’était que temporaire, que sa rage était une bête sauvage momentanément tue ».
En quelques pages j’ai été totalement emportée de mère en fils de père en fille sans jamais perdre le fil de ses destins qui se suivent, se tricotent en partant pourtant d’un siècle qu’on a nommé « le siècle des lumières ». Quelle honte !
Parfaitement rédigée, jamais larmoyant, pas dénonciateur non plus, j’ai adoré ce souffle hors du commun et résolument inoubliable pour moi.
« Tu veux savoir ce qu’est la faiblesse ? C’est de traiter quelqu’un comme s’il t’appartenait. La force est de savoir qu’il n’appartient qu’à lui-même. »
Avec un talent inouï de raconteuse d’histoire cette jeune romancière ghanéenne nous montre aussi que dans cette chaîne de la violence seuls l’amour et l’attachement peuvent faire écran.
Dans une faible mesure seulement.
Quel dommage cependant que l’éditeur français ait choisi un titre français qui dit exactement le contraire du titre anglais original Homegoing !