Résumé éditeur :
Pour la plupart des contemporains, la solitude est ressentie de façon négative : on la confond avec l’isolement, le manque, l’abandon. Et la société veille à empêcher que l’être humain ne se retrouve seul, face à lui-même.
Or la solitude est loin d’être un enfermement, une pauvreté. C’est un état d’heureuse plénitude. Non seulement parce qu’elle offre la clef de la vie intérieure et créative, mais parce qu’elle est disponibilité et apprentissage de l’amour. Et il n’est pas de liberté de l’individu sans ce recueillement de la pensée, sans cet ermitage du cœur.
Pourquoi tant de philosophes, d’artistes, de saints et de mystiques furent-ils de grands solitaires ? Quelle force, quelle inspiration puisèrent-ils dans cette vie d’austère apparence ? Et pourquoi notre monde lutte-t-il avec tant d’ardeur contre un état propice à la connaissance de soi ?
★★★★★ Que du bonheur !
Avis :
Tant d’images négatives s’attachent à la solitude qu’un livre comme « Esprit de solitude » se révèle un petit bijou pour qui aime dépendre le moins possible des circonstances extérieures, du regard des autres et s’ancrer en soi-même.
Ce texte subtil et profond réaffirme qu’être seul(e) ne signifie pas être incomplet et qu’être solitaire n’équivaut pas à être dépourvu d’amis, de chaleur, de tendresse, d’amour. Il est à mon sens une lecture fine et saine pour ceux et celles qui aspirent un jour à quitter « la meute ». Sachant cependant qu’il ne faut pas nécessairement vivre seul pour entrer dans la voie présentée par Jacqueline Kelen.
Au commencement, elle nous recommande de ne pas confondre solitude et isolement, tout en évoquant en préambule « cette conduite de vie solitaire qui favorise la réflexion et affermit l’indépendance, cette solitude belle et courageuse, riche et rayonnante, que pratiquèrent tant de sages, d’artistes, de saints et de philosophes. »
Avec beaucoup de bon sens, elle nous explique que « personne ne nous apprend à être seul » car la famille ou l’école laissent trop peu de place au silence dans lequel l’enfant peut ÊTRE tout simplement. Combien d’enfants sont aujourd’hui capables de jouer seuls, d’appréhender le calme, le silence sans crise d’angoisse ?
Jaqueline Kelen nous réconforte, nous écrit qu’on peut choisir la solitude : « Lorsqu’on vit seul (et que c’est un choix) ce n’est pas par manque de chance ni absence d’amour : c’est que justement jamais on ne se sent seul, que chaque instant déborde de possibles floraisons. »
Les récits de vie, les chemins d’apprentissage de nombreux philosophes, artistes, saints et mystiques (l’Epopée de Gilgamesh, l’Odyssée, des récits bibliques, des mythes…) sont alors racontés, explicités tout en nous montrant de quelles manières la solitude peut nous conduire aussi à notre intériorité. Dans une érudition impressionnante.
Le beau récit de « Mélusine » (une histoire qui me fascinait déjà petite fille ) est narré puis analysé pour illustrer également la nécessité de solitude dans la vie de couple. En couple, il est essentiel « de se réserver de grands moments de solitude ou un lieu à part, afin de regarder l’autre différemment et le monde aussi. »
A nous tous qui nous agrippons farouchement à nos possessions (famille comprise, « mon fils », « ma fille »…), autant qu’à nos affections et nos espoirs, à nos certitudes et nos préjugés, l’analyse fine de ce livre nous montre ce qu’engage réellement la solitude choisie dans l’évolution de nos personnalités. Elle pourrait aussi bien aider certains égos malades et gonflés d’orgueil de notre société moderne et excessive, les égos qui sans leur public ne peuvent pas « briller » ou « brûler ».
Puis elle a tout juste quand elle affirme que « La solitude est un cadeau royal que nous repoussons parce qu’en cet état nous nous découvrons infiniment libres et que la liberté est ce à quoi nous sommes le moins prêts. » La liberté de penser peut faire peur, la prise de décision sans appui, la force de dire ce que l’on pense même si cela ne fait pas l’unanimité. Le courage de ne pas suivre une opinion qui nous agace un peu mais qui nous permet d’être avec les autres. N’est-ce pas alors la dépendance qui amoindrirait l’être ?
S’offre à nous « le silence de soi, cette attention au monde, cette gratitude aussi », car le solitaire ne demande pas aux autres de le rendre heureux ni ne les accuse de ses propres insuffisances.
Oui, ce formidable essai, monologue philosophique et spirituel m’a envouté dès le début de ma lecture. Il montre parfaitement de quelles nombreuses manières « un être solitaire n’est pas un être au cœur sec ou impassible mais un être qui a le goût du secret et de la liberté avant toute chose et qui pratique le plus souvent un retour sur soi » pour (sur)vivre.
« Le solitaire n’est pas celui qui n’aime pas les autres mais celui qui apprécie certains autres, celui qui en tout fait preuve d’élection et cultive les affinités. […] Il préfère toujours la rencontre particulière à la dilution dans une collectivité. »
Démonstration claire de ce qu’est une solitude érudite et fertile…
Et enfin… « Notre monde manque de solitude. », mais il ne s’agira pas nécessairement de fuir la ville ou les gens pour faire retraite à la campagne ou dans un ashram, « mais bien de porter dans la ville et en toutes contrées les vertus du silence que l’on a en soi et l’esprit de contemplation. » pour ensuite… « semer sur ses pas tout l’or recueilli dans la solitude. »