Résumé éditeur
« Ça ne vaut plus le coup d’avoir mes règles. Ma tante a dit : t’as perdu ta langue, Anne ? t’étais plus causante avant. C’est plutôt la leur de langue que j’ai perdue. Tout est désordre en moi, ça ne colle pas avec ce qu’ils disent. »
Histoire d’une adolescente comme les autres, qui cherche à communiquer, à comprendre. Mais rien, dans le langage de ses parents, de l’étudiant qu’elle a rencontré, dans les mots des livres même, ne coïncide avec la réalité de ce qu’elle vit et elle se trouve renvoyée à la solitude.
★★★★☆ Lecture agréable, fort plaisante.
Critique
Dans Ce qu’ils disent ou rien (1977), Annie Ernaux, pour son deuxième roman se glisse dans la vie d’une adolescente de quinze ans nommée Anne (« tiens tiens ! ANNIE ERNAUX – ANNE »).
Cette dernière (comme l’auteur) a des parents issus du milieu ouvrier et nous rend compte, à travers son monologue intérieur retranscrit à l’écrit par l’auteur – sans aucun dialogue, ni description – de ses envies, tourments, vicissitudes liées à l’âge, à l’époque (années 60/70), à l’école, et surtout aux clivages sociaux.
Il me faut être franche, je ne résiste pas à l’univers littéraire d’Annie Ernaux toujours empreint de sociologie et donc de sensibilité.
Tous ses ouvrages me touchent par son renoncement à la fiction et ce que certains nomment son « écriture plate » innocemment dénonciatrice de toutes sortes d’inégalités sur lesquelles elle porte un regard lucide.
Ce qu’ils disent ou rien, comme ses autres livres, traite du « métissage social », de cette trajectoire tant désirée de quitter le monde ouvrier des parents pour le professorat et des mécanismes sociologiques qui l’accompagnent, mais aussi des aspirations amoureuses d’une adolescente.
Soyons franc, c’est un livre qui a un peu vieilli (si ma fille de 17 ans le lisait, elle sourirait probablement), mais je ne me lasse pas de l’univers d’Annie Ernaux qui a bâti son œuvre sur une « double revendication : celle d’être une femme, celle d’être issue d’un milieu populaire ».
Même dans la bouche d’Anne, quinze ans, tout cela garde sa cohérence.
J’apprécie beaucoup l’oeuvre de cette écrivaine. J’ai été ému par l’émission de dimanche consacrée à Annie Ernaux en lien avec son prix Nobel. Ce qui m’intéresse particulièrement c’est sa façon d’utiliser son journal intime pour faire par la suite un roman comme elle l’a fait pour Passion simple. On retrouve cela au début de son dernier roman de 37 pages.
En fait ce n’est pas facile de lire ce second roman mais je voulais le connaître…
Auteur/autrice
Merci pour votre commentaire éclairant.
Quelle auteure unique !
Son vécu distillé sociologiquement, sans tralala, par le biais de sa plume épurée rend son œuvre envoutante tant sincérité et courage sont poignants.
Bonnes lectures à vous…