L’art d’être libre dans un monde absurde de Tom HODGKINSON

Résumé éditeur

« L’art d’être libre – » succès de librairie en Angleterre -, est un véritable manifeste de résistance au monde contemporain. Profondément joyeux car prônant une liberté totale, c’est un livre salvateur. Dénigrant aussi bien les joies factices de la consommation, les remèdes contemporains à la mélancolie, que l’ennui qui s’est abattu sur le monde suite à des décennies de seule recherche du profit, ce livre nous appelle à redevenir des esprits autonomes – et à nous ménager ainsi un espace individuel de reconquête de la liberté.

★★☆☆☆ Bof ! Je n’ai pas vraiment apprécié ce livre.

Critique

En lecture, il y a, pour chacun d’entre nous, les bonnes et les mauvaises surprises.
L’art d’être libre dans un monde absurde appartient, en ce qui me concerne, à la deuxième catégorie. Déjà, en préface, les réserves émises par Pierre Rabhi m’avaient mis la puce à l’oreille (expression ridicule, je vous l’accorde mais si l’idée d’une puce penchée sur mon oreille peut vous aider… soit) :
« Je ne sais si je le suivrais cependant dans toutes ses allégations anarchisantes ou existentialistes ni dans la tonalité impérative de ses injonctions qui pourraient laisser croire que nous nous posons en donneurs de leçons… ». Mais l’auteur et son éditeur sont contents, sur la première de couverture est écrit « préface de Pierre Rabhi ».

Je ne reviendrai pas sur le sujet de cet essai que le titre résume parfaitement (à mon avis le titre c’est ce qu’il y a de meilleur dans ce livre). L’auteur y a rassemblé trois courants de pensée : l’anarchie, le médiévalisme et l’existentialisme. Le tout mijoté dans une philosophie de la vie basée sur « la liberté, la joie et la responsabilité. »
Comme ça, sur le papier, ça a l’air chouette.
Le problème c’est que la suite m’a rapidement fait penser à un reportage que j’avais vu il y a une dizaine d’années à la télévision et qui montrait une famille d’une quinzaine d’enfants (au moins) : Madame, épuisée et déprimée faisait son pain une fois par semaine, Monsieur à la barbe looongue regardait Madame faire, en fumant et coupait (parfois) du bois avec les garçons les plus âgés. Il y avait des légumes qui poussaient en autosuffisance dans le potager ; personne n’allait à l’école, mais tout le monde disait que vraiment la ville c’est horrible, etc…
Je n’exagère en rien, cette famille existe vraiment, et le reportage aussi.

Ouvertement anticapitaliste (et il a plutôt raison de ce côté-là), son manuel de vie, de résistance veut faire de vous, de nous des « créateurs » plutôt que des « consommateurs abrutis », des flâneurs campagnards plutôt que des bourreaux de travail à l’égo surdimensionné. Soit. C’est là un programme qui convient à bon nombre d’entre nous.

Sauf que j’ai plutôt ri (jaune) quand cet ancien élève de Cambridge a pris soin d’étayer son propos en s’appuyant sur quantité de références littéraires (philo, socio, histoire, économie…) que j’ai trouvées parachutées et très désagréables à suivre.
« La culture, c’est comme la confiture, moins on en a, plus on l’étale. ».

La trame de cet essai m’a semblé lourde, il en fait des tonnes, c’est redondant, mal agencé, et de plus, cet auteur est moralisateur, provocateur, et enfin …contradictoire. En 2015, il décida en effet « pour sa famille » de revenir habiter à Londres, malgré ses multiples exhortations à rejoindre la campagne dans son premier ouvrage « C’est bien la preuve qu’il ne faut jamais m’écouter » écrit-il !.

Certes, il faudrait vraiment être complètement idiot aujourd’hui pour contredire le fait qu’il est sain pour soi, pour les siens, et pour l’environnement de lever le pied sur nombre de conditionnements sociaux et familiaux, et que se libérer de certaines chaînes de notre société consumériste a du sens. Restaurer l’autosuffisance semble cohérent, mais en profiter pour rester picoler et fumer à la maison avec des amis, comme il le dit à longueur de pages, donne-t-il réellement du sens à son existence sur le long terme ? J’en doute.

De nombreux passages m’ont encore plus hérissé les cheveux.
Comme :
1. Le passage sur le plaisir d’aller au lavoir : Tom Hodgkinson dans sa démarche de grand libérateur des consciences (davantage de la conscience du trader de la city que de celle de son épouse par ailleurs), et surtout des contraintes quotidiennes amenées par la vie moderne (!) explique qu’aller au lavoir avait une dimension sociale qu’on aurait à tort complètement négligée.

Alor, si Monsieur Hodgkinson souhaite aller laver le linge de la semaine de sa smala, et vivre ce moment de grâce sous les quolibets des voisines jalouses, mais qu’il y aille ! Sa chère et tendre restera à bouquiner, seule, au coin de la cheminée. Un petit verre de scotch et un cigare au bec en sus, puisque ces deux éléments (alcool et tabac, pas la lecture) semblent être le summum du plaisir.

2. De même que du passé, il n’a pas extrait, à mon sens, les idées les plus brillantes, ou bien il les a décontextualisées, à son avantage. Il fait constamment l’apanage de la « société médiévale catholique » anglaise et des « guildes ». Mais, il me semble que pour pouvoir profiter de ces hauts lieux (bien connus) de la tolérance et de la joie de vivre, encore fallait-il sûrement pouvoir appartenir à l’une d’entre elles ? et être un homme ?
« Le système médiéval est très étonnant : il y avait bien davantage d’égalité qu’aujourd’hui. » écrit-il. Là ; j’ai bien cru m’étouffer.
Et il poursuit … « La culture du pauvre » y était « positive », car fondée sur « l’amitié à travers le travail ». On n’a pas dû lire les mêmes ouvrages sur la question.

Vivre aux temps moyenâgeux sous un patriarcat écrasant, sous le joug d’un Eglise omniprésente ; ajouter à cette chape de plomb les famines, quelques guerres (au choix Guerre de Trente ans, de Cent ans, de Religions et toutes les autres), les décès en couche, la mortalité infantile… je réponds « NAN ! trois fois NAN ! ». Ce n’était pas « être libre » tous ces fléaux amenés pour la plupart par la bêtise humaine. Même si aujourd’hui, c’est loin d’être TOP, je vous l’accorde.

Evidemment, dans cet ouvrage, tout n’est pas à jeter ; certaines idées déjà dites et archi dites sont quand même dignes d’intérêt : « mort aux Supermarchés », « ouvrez la salle des fêtes de votre village », « cessez de gémir », « couper les écrans », « échanger voiture contre vélo », « marcher », « arrêtez de consommer », « labourez la terre »…), et nous ne pouvons que plaider avec lui pour une « radicale reconstruction des rapports humains » à fonder sur les « échanges locaux plutôt que sur la cupidité du capitalisme mondiale ». Mais il y aura toujours un voisin ou un cousin cupide qui voudra s’en mettre plein les poches en décidant, un de ces quat ’matins, de créer une société d’export pour ces poireaux qu’il trouve décidément beaux et rentables.
SAPIENS est ainsi fait.

Pour réfléchir quant aux pouvoirs de nos actions, je préfère donc les livres sur une vie zen, et sur un vrai mode de vie respectueux de soi et des autres (Une famille – presque – zéro déchets, Trois amis en quête de sagesse, etc…) que cette mascarade (anglaise) d’essai.

Plus j’avance (vers où ?), plus j’ai le sentiment que certains journalistes en écrivent des tonnes (positives) sur des ouvrages pas si novateurs que ça. Ne serait-ce pas d’ailleurs ce qu’a dénoncé notre auteur en filigrane ? Ce marketing opérationnel à tous les étages.
« Ne faîtes pas ce que je dis, ne faîtes pas ce que je fais » n’aurait-il pas plutôt dû être le titre de son livre ?

 

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